Pages

3 décembre 2011

Irlande : défensive, et aucune raison de changer

Giovanni Trapattoni a mené l'Irlande à son premier tournoi majeur depuis 10ans, cependant un débat perdure sur ses tactiques.

Son approche assez simple ne nécessite pas beaucoup d'explications par rapport au diagramme ci-contre. Elle comprend une défense à 4 classique, 2 milieux travailleurs, 2 ailiers de débordement, et un joueur d'appui jouant un peu plus bas que l'attaquant axial. C'est un 4-4-2, un 4-4-1-1à la limite, peut-être le schéma le plus basique qu'on puisse utiliser dans le football moderne.

La réussite de Trapattoni vient du fait qu'il a accepté les limites de son équipe. Avec la domination de Barcelone et de l'Espagne sur le football de clubs et de sélections, le jeu est plus que jamais basé sur la qualité technique au milieu du terrain. Un bon jeu de passe avec la balle, une attitude positive sans, et une préférence pour les matchs ouverts sont devenu les caractéristiques à la mode.

Pour être honnête, l'Irlande n'a pas beaucoup de qualité technique au milieu. Elle a un bon gardien, de bons défenseurs, des ailiers malins, et une gamme intéressante d'attaquants. Dans l'axe, elle dispose de Keith Fahey, Keith Andrews, Glenn Whelan, Darren Gibson et James McCarthy. Fahey et Andrews sont des joueurs de Championship (NdT : 2ème division), Whelan joue pour un club qui cherche rarement à faire des passes (Stoke City), Gibson est (quoique sévèrement) moqué par les fans pour sa propension à tenter et retenter des frappes lointaines et improbables, et enfin McCarthyest talentueux mais vient à peine d'intégrer l'équipe.

Base défensive.


Trapattoni a donc mis en place un système attentiste avec deux lignes de 4 derrière la balle, et des sorties de balles directes en direction des ailiers, voire des attaquants. Cela s'est monté efficace : l'Eire s'est qualifiée en ne perdant qu'un seul match (face aux Russes, premiers du groupe), et enregistre des statistiques défensives satisfaisantes, gardant sa cage vierge lors de 6 matchs sur 12.

Il rencontre des critiques pour être trop défensif, mais on voit mal comment il pourrait prendre l'initiative du jeu vu les limites de l'équipe. S'obstiner dans un jeu de passe par principe vaudrait sûrement à l'Irlande d'être tenue en échec par des équipes relativement modestes, et placerait le cœur du jeu dans une zone où l'équipe n'est pas particulièrement forte. Aucune équipe ne craint Andrews et Whelan , et ce milieu à deux serait dominé facilement dans le jeu de passes par des équipes disposant à la fois de plus de qualité et de quantité dans l'axe du milieu.

Formation

Il pourrait passer à un milieu à 3, bien sûr, et compenser ainsi le manque de qualité par la quantité. Mais cela signifierait de sortir Robbie Keane – improbable étant donné qu'il est capitaine – ou Kevin Doyle, ce qui laisserait Keane seul devant, un rôle qui ne lui convient pas du tout.

Même si le 4-4-2 est la formation "naturelle" de votre équipe, cela ne signifie pas que vous acceptez d'être facilement déstabilisés au milieu, l'option logique est alors de jouer bas pour limiter l'espace entre les lignes et derrière la défense. Quelque soit l'angle de vue, jouer un football offensif semble donc impossible.

Le problème principal de l'équipe est la créativité : les ailiers ont été peu en vue, mais c'est inévitable à cette position dans une équipe défensive. Ils sont sevrés de ballons, et par conséquent jugés sur à peine 2 ou 3 actions. Il est difficile d'imaginer comment cette situation pourrait être améliorée par des modifications de tactique ou de choix de joueurs ; la réponse simpliste consistant à "jouer plus offensif" risque plus d'exposer les milieux axiaux que d'aider les ailiers.

L'Irlande a un type d'équipe différent des autres nations. Comme le souligne Miguel Delaney, elle n'a pas de joueur de grande classe dans ses rangs mais a une certaine profondeur d'effectif, lui demander de travailler correctement plutôt que de se reposer sur les individualités est donc la meilleure chose à faire, et probablement la seule permettant d'obtenir des résultats satisfaisants. Il n'y a aucune star dans l'équipe : même Keane et Duff n'ont plus la vitesse et la flamme qu'ils avaient la dernière fois que l'Eire s'est qualifiée pour un grand tournoi (2002).

“Pour commencer, Messi et Ronaldo n'ont pas de passeport irlandais,” plaisante l'ailier Stephen Hunt. ”On ne frappe plus systématiquement dans la balle aussi loin qu'on le peut, mais on conserve un style de jeu direct. On a des joueurs efficaces pour ça… les médias disent parfois que on n'a pas un style de jeu esthétique, mais on ne l'a jamais eu. Jamais! On a eu un joueur talentueux qui était Liam Brady. A part lui, qui peut me dire qui ont été les Ronaldo ou les Messi de ces 20 dernières années en Irlande?”

L'approche du tournoi

On entend souvent que maintenant que la qualification pour l'Euro est acquise, l'Irlande devrait sortir de sa carapace et être plus "positive". C'est à dire plus esthétique? C'est une notion subjective. Avoir plus de résultats? Ce n'est certainement pas le problème. Le principal défi pour une équipe défensive est d'accrocher suffisamment de victoires pour sortir de la phase de qualifications, en particulier contre des adversaires qui pratiquement plus ou moins le même type de football. Une équipe jouant sur la discipline et la solidité est en fait assez adaptée aux phases finales des tournois, notamment dans les matchs à élimination directe, et l'Irlande a montré par le passé qu'on peut sortir de sa poule avec seulement 3 matchs nuls.

Dans le football moderne, il est difficile de se souvenir d'outsider réalisant de grandes performances avec un jeu ouvert et attractif. La Corée du Sud en 2002 était assez défensive, le Sénégal pouvait se montrer excitant mais restait une équipe de contres, et les Grecs de 2004 sont l'exemple ultime d'une équipe défensive qui excelle grâce à son organisation et son opportunisme sur coups de pieds arrêtés. 2006 et 2008 furent relativement prévisibles, et 2010 a vu un groupe de surprises Uruguay, Ghana et Paraguay tous basés sur l'organisation plutôt que sur la créativité.

Cela se confirme durant la dernière Copa America, où les quarts de finale ont vu les quatre équipes "réactives" (Venezuela, Peru, Uruguay, Paraguay) éliminer les quatre qui souhaitaient avant tout joueur un beau football (Brazil, Argentina, Chile, Colombia). Pour de multiples raisons, le football proactif ne rencontre pas un grand succès au niveau international – la victoire espagnole à la Coupe du Monde ne doit pas éclipser le fond du sujet : les tendances globales sont plus importantes que les exceptions isolées, et l'Espagne a l'avantage unique de pouvoir organiser entièrement son équipe sur la base des joueurs d'un club qui obtient lui-même de grands résultats.

Donc, non seulement Trapattoni possède peu d'atouts pour tenter de dominer les adversaires dans un match ouvert, mais en plus cela signifierait s'engager dans une route qui a eu peu, voire aucun succès au cours des dernières années.


Cela ne signifie pas que l'Irlande ne peut rien offrir de plus offensivement. Certains détails peuvent et doivent être travaillés, d'ailleurs Andrews a fait plus de courses vers l'avant qu'à l'habitude face à l'Estonie, et si l'Irlande veut améliorer son impact offensif, elle doit rendre plus rapides ses transitions défense-attaque. Cependant, pour maximiser les chances de créer la surprise à l'Euro, la structure et l'approche globale de l'équipe ne doivent pas être bouleversées.

2 décembre 2011

Marseille 3-0 PSG : Marseille se régale sur le côté droit


Le PSG perd la tête de la L1 après une lourde défaite dans le "classique" du championnat.

Didier Deschamps choisit un 4-2-3-1 sans Mathieu Valbuena, mais avec Lucho Gonzalez qui démarre en soutien direct de Loic Rémy.

Antoine Kombouare utilise Momo Sissoko assez bas, et préfère Christophe Jallet à Ceara sur la droite, son équipe se présentant aussi en 4-2-3-1.

Comment analyser un match où Marseille a été simplement meilleur dans tous les compartiments? Ils ont pris l'avantage rapidement, on eut le contrôle du match la plupart du temps, et se sont même baladés sur la fin.


Bataille au milieu

Dans ce match physique, les deux équipes semblent fortes et solides au milieu. Stephane Mbia et Alou Diarra restent proches l'un de l'autre et ferment rapidement la porte (parfois avec agressivité) à Javier Pastore, qui a fait un mauvais match. Côté PSG, Momo Sissoko joue plus bas que Blaise Matuidi, et prive Lucho Gonzalez de ballons. Le rapport de force au milieu est de 4:2 en faveur des destructeurs, et les créateurs ont peu de liberté.

Pastore, en particulier, est vraiment décevant. Son taux de passes réussies est anormalement bas, 48% – il tente souvent des passes difficiles sur un des 3 joueurs devant lui, mais a fréquemment mal réalisé le geste. Gonzalez ne fait guère mieux, mais réussit quand même à trouver des espaces en profitant des montées des milieux parisiens. Son taux de passes réussies est meilleur, 68%. Le tableau d'affichage traduit le fait qu'il a pu trouver des passes simples pour calmer le jeu, alors que Pastore a cherché systématiquement l'attaque directe : cette différence réside en grande partie dans la nature même des deux joueurs.

Les zones latérales

Puisque rien ne peut arriver dans l'axe, la créativité et les buts viennent par les côtés. Les deux paires de joueurs latéraux ont joué des rôles différents. Les Parisiens vont vers le centre en tentent d'organiser leurs attaques par le biais de Pastore, même si Jérémy Menez écarte pour proposer une solution à Jérémy Morel, et se montre plus impliqué que Nene.

Les ailiers Marseillais ont une rôle plus traditionnelle, mais leur mouvement clé n'est pas offensif : c'est leur discipline défensive qui est remarquable. Les joueurs de flanc de l'OM sont bien plus concentrés et agressifs sans le ballon, alors que Nene et Menez ne défendent pas, ou se trouvent dans des positions axiales depuis lesquelles ils ne peuvent pas revenir rapidement sur les latéraux adverses. Ce point s'avère crucial quand Cesar Azpilicueta peut tranquillement monter en centrer en direction de Rémy, donnant l'avantage à Marseille.

Marseille passe à droite

L'activité et la volonté offensive du flanc droit marseillais est un élément majeur du match. Azpilicueta monte à nouveau en seconde période et procure une belle occasion à Gonzalez, tandis que devant lui, Amalfitano devient un joueur clé du match après un début timide, marquant le second but après un très bon pressing au milieu (encore une chose qu'ils ont mieux réalisé que le PSG), et créant le dernier but grâce à un bon centre repris par André Ayew.

Le PSG n'a ni mouvement sur les ailes ni largeur naturelle que procurerait la disposition des joueurs – Pastore est simplement dépassé par ses gardes du corps et n'appelle pas suffisament la balle sur les ailes. On peut lui reprocher de trop jouer dans la verticalité.

Kombouaré tente de changer le cours du match en sortant Gameiro et Pastore pour Mathieu Bodmer et Mevlut Erding, mais le plan de jeu de l'équipe ne change pas. Elle a une large possession du ballon en 2ème mi-temps mais ne parvient pas à se créer d'occasions : le total final de zéro tirs cadrés résume bien le problème.

Conclusion

Marseille s'est montré particulièrement dominant sur la droite et ses latéraux ont dépassé les ailiers du PSG pour créer des dédoublements. Le duo allitératif Azpilicueta-Amalfitano a très bien combiné, et ils ont été capables de compenser le manque de créativité dans l'axe en écartant le jeu, alors que le PSG s'entêtait dans les embouteillages.

Paris a montré un affreux visage : une équipe coupée en deux sans lien entre les 6 de derrière et les 4 de devant, ce qui signifie qu'ils défendaient et attaquaient avec peu de joueurs. Il est rare de voir un 4-2-3-1 réussi avec un meneur de jeu très libre et deux ailiers qui ne défendent pas trop : le PSG pourrait être champion grâce à des éclairs de ses individualités, mais cela arrivera malgré leur système, et non grâce à lui.