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31 juillet 2011

Uruguay 3-0 Paraguay : Tabarez fait bien les choses

L'Uruguay remporte sa 15ème Copa America (un record) grâce à une excellente performance pleine de maîtrise.

Oscar Tabarez aime surprendre dans sa composition d'équipe et sa formation, mais il a utilisé le 11 attendu sur ce match, dans un système en 4-4-1-1 que l'on peut identifier comme son choix favori durant ce tournoi.

L'équipe de Gerardo Martino était moins prévisible – il a effectué 4 changements par rapport à la demi-finale remportée face au Venezuela, mais a conservé en gros le même système – un 4-4-2 / 4-5-1 assez restrictif avec Pablo Zeballos effectuant des courses vers l'avant depuis sa position en retrait sur le côté droit (bien qu'il ait parfois échangé ce rôle avec Nelson Valdez).

L'Uruguay a été meilleur sur tout le terrain – plus sûr derrière, plus puissant devant, et surtout, il a remporté la bataille du milieu.


L'Uruguay met immédiatement la pression

Beaucoup s'attendaient à une finale assez lente et ennuyeuse à Buenos Aires, cela a donc dû être un choc pour les paraguayens de se retrouver acculés dans leur surface de réparation dans les premières minutes de jeu. L'Uruguay a mis la pression dès l'entame, obtenant 5 corners en à peine 7 minutes, et se procurant plusieurs occasions durant ce laps de temps – le ton du match était donné, et l'équipe de Tabarez prenait directement le contrôle des opérations.

Comme beaucoup de matchs interessants d'un point de vue tactique, l'enjeu majeur se trouvait être le tempo. Les paraguayens avaient intérêt à jouer sur un rythme lent – calmant le jeu, attaquant tranquillement en donnant presque l'impression de ne pas vraiment chercher marquer, comme l'illustre leur série de 5 matchs nuls durant la compétition. L'Uruguay était plus rapide, plus désireux d'apporter la balle à l'avant, et plus prompt à bloquer Ortigoza.

La bataille eut lieu dans la partie centrale du milieu de terrain, et tourna plus précisément autour de Nestor Ortigoza : c'est un excellent meneur de jeu reculé, avec une grande qualité de passe longue ou courte, et c'est surtout celui qui dicte le tempo paraguayen. Il ralentit le jeu par des passes intelligentes, mais il manque de mobilité, ce n'est pas un joueur adapté à un rythme élevé. Martino le sait et il n'utilise pas Ortigoza quand il a besoin de volume de jeu : il n'a pas été aligné lors du quart de finale face au Brésil, où l'équipe a cherché à exercer un pressing important.

Le fait qu'il ait été aligné cette fois nous dit tout à propos de l'idée de Martino. Il voulait un match lent, et Tabarez en avait conscience. En réponse, Tabarez donna à Diego Perez et Egidio Arevalo la permission de jouer plus haut que d'habitude – peut-être parce que les milieux paraguayens étaient peu offensifs – intervenant ainsi très vite sur les milieux adverses. Arevalo, peut-être le meilleur joueur Uruguayen de cette Copa, fut plutôt actif sur la gauche, et avait donc la responsabilité de bloquer Ortigoza.

L'action du 2ème but – où Arevalo pressa Ortigoza, gagna la balle, puis décala Diego Forlan à la finition – a résumé assez joliment cette bataille tactique. Ce fut assez proche de la façon avec laquelle Yaya Touré a mis en danger Michael Carrick en demi-finale de la Cup. L'intelligent meneur de jeu reculé a besoin de temps avec la balle, tandis qu'un un joueur physique et déterminé tente de l'en priver. C'est souvent de cette façon que la lutte pour le contrôle du rythme se produit au milieu, mais il est rare qu'une telle action débouche directement sur un but.

Manque de largeur

Martino a fait une erreur dans sa composition d'équipe qui a participé à la défaillance d'Ortigoza. Avec Zeballos se déplaçant rapidement dans l'axe – avec, honnêtement, peu d'impact – le Paraguay se retrouvait avec 4 milieux axiaux n'apportant aucune largeur. C'est un gâchis énorme de faire jouer Ortigoza, habitué à distribuer des passes dans les espaces libres, sans avoir aucun joueur capable de se déplacer dans ces zones pour les recevoir.


Les 2 problèmes d'Ortigoza: (1) Le pressing d'Arevalo. (2) L'absence de solutions vers l'avant.

Encore une fois, il s'agit d'une illustration spécifique d'un problème plus général : la volonté du Paraguay de produire un jeu de passe lent, mais en réduisant leur milieu à 4 joueurs alignés couvrant, disons 20m au lieu de 50, cela facilita le pressing uruguayen, et empêcha les guaranis de conserver la balle. Ce n'est pas un hasard si Barcelone écarte au maximum ses joueurs, augmentant la zone de jeu “active” : la bataille du milieu peut être gagnée en dominant numériquement le centre du terrain, mais il faut toujours disposer de solution pour ressortir la balle. Avec aucun joueur permettant d'étirer latéralement le jeu, et un manque d'appels vers l'avant, il est compliqué d'imaginer comment le Paraguay éspèrait porter le danger.

C'est peut-être en fait le cœur du problème : il ne cherchaient pas tant que ça à agresser l'adversaire, le 0-0 les contentait. Concéder le premier but dans ces conditions devenait donc un désastre.

2ème mi-temps

Etrangement, Martino décide de ne rien changer à la mi-temps. Et tout aussi étrangement, le Paraguay revient dans le match. La principale raison est le recul uruguayen. Tabarez a probablement pensé que ses joueurs ne seraient pas en mesure de maintenir un pressing intense sur tout le terrain, et avec les cartons jaunes de Diego Perez, Martin Caceres et Maxi Pereira, cela ne valait pas le coup de continuer d'agresser les milieux adverses très haut. Un second carton inutile (chose fréquente dans ce tournoi) aurait redonné espoir au Paraguay. En outre, Perez semblait totalement épuisé quand il fut remplacé au milieu de la seconde mi-temps. Dans un des rares matchs (de la Copa) joués l'après-midi, la température légèrement plus haute a peut-être joué un rôle.

Evidemment, Ortigoza eut donc plus de temps pour jouer, et il entra dans le match. N'ayant pas de solution sur les ailes, il a cherché à trouver les attaquants. Il le réussit sur une superbe passe pour Valdez, dont la volée à l'entrée de la surface frappa la barre. Par la suite, Ortigoza obtint enfin du mouvement sur les côtés grâce au latéral droit Ivan Piris : une nouvelle passe exceptionnelle, suivie d'un centre à ras de terre de Piris que Riveros aurait du convertir. Ce fut la meilleure opportunité paraguayenne.

A la 65ème minute Martino fait entrer Marcelo Estigarribia sur l'aile gauche, et Hernan Perez à droite, apportant ainsi des solutions permanentes sur les côtés. Caceres et Vera sortent. Le Paraguay semble alors un peu mieux, mais le troisème remplacement est un désastre. Lucas Barrios n'était clairement pas en état de jouer – il ressentit une douleur à la cuisse dés son entrée en jeu – et s'effondra après à peine 5 minutes. Comme pour l'entrée de Roque Santa Cruz en demi-finale, qui conduit au même résultat, cela mit fin aux espoirs offensifs des paraguayens. Par ailleurs ils se retrouvèrent alors ouverts aux contres de la Celeste, et un brillant mouvement entre Cavani, Suarez et Forlan déboucha sur le plus beau but du tournoi, sur sa toute dernière attaque.

Conclusion

Il y a eu, bien sûr, beaucoup d'autres facteurs influents sur le match. Suarez a été peu mentionné ici, mais il a mis la défense paraguayenne en lambeaux : prises d'intervalles, provocation de fautes, conservation du ballon. Son titre d'homme du match n'est pas surprenant, mais en termes de tactique, cela peut être simplement décrit comme un joueur exécutant parfaitement sa tâche habituelle.

La « vraie » bataille tactique tournait autour du tempo au milieu, et était centrée sur Ortigoza. Quand on le laissait jouer (en seconde mi-temps) il était le joueur clé du match. Quand on ne le laissait pas (dans la première) il était un handicap pour son équipe.

Tabarez doit être félicité pour ses décisions au cours du tournoi. Il a utilisé un grand nombre de joueurs (les 20 joueurs de champ ont eu du temps de jeu), des formations variées et différentes stratégies sans le ballon. Néanmoins, presque toutes ses approches ont fonctionné, et malgré un départ timide, les performances de la Celeste en demi-finale et en finale furent deux des plus convaincantes du tournoi.


Article original en Anglais
Version en Espagnol

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