Cesare Prandelli titularise Riccardo Montolivo à la pointe du losange, en raison des problèmes physiques de Thiago Motta.
Roy Hodgson ne change pas le XI qui a battu de justesse l'Ukraine en phase de poule.L'Italie s'est montrée supérieure dans toutesl les zones du terrain, seule la finition l'a empêchée de mener au score.
Bataille tactique
Un match assez simple : le rapport de force se maintient du début à la fin, les formations restent inchangées, les remplacements ne sont pas déterminants et le rythme est assez linéaire. Un système en affronte un autre pendant 2 heures.
La visée du système transalpin est la domination du centre du terrain, avec deux passeurs aux points du losange et deux coureurs sur les côtés pour apporter du volume de jeu et des courses vers l'avant. Le système anglais offre en théorie plus de largeur.
On peut dégager deux points clés dans le match : d'abord la largeur apportée par les latéraux, ensuite le fait que l'Angleterre laisse Pirlo dominer le jeu.
Etroitesse et latéraux
L'Italie a beaucoup plus souvent le ballon que l'Angleterre. Cela est tout à fait prévisible si on se fit aux systèmes mis en place. Il en résulte que l'affrontement des deux formations se déroule de la façon dont les Italiens le souhaitent, et que leur adversaire se retrouve obligé à s'organiser différemment de ce qu'il voudrait.
En d'autres termes, les anglais deviennent trop axiaux. Milner se fait attirer à l'intérieur et joue au contact de Daniele De Rossi, tandis qu'Ashley Young se retrouve finalement aussi dans une position centrale, près de Claudio Marchisio. Milner est plutôt bien taillé pour ce rôle et a bien réalisé ses devoirs défensifs, mais Young est moins à l'aise en défense et il a peu apporté vers l'avant. Hodgson aurait peut-être pu accepter une organisation asymétrique, en demandant à Gerrard, Parker et Milner de défendre sur De Rossi, Montolivo and Marchisio, mais en laissant Young libre à gauche pour servir de solution de contre-attaque.
Comme l'Angleterre se laisse resserrer dans l'axe, toute la largeur vient des latéraux des deux équipes. L'Angleterre s'en accommode très bien en début de match, Glen Johnson attaque sur la droite et se procure la première vraie occasion. Il délivre également plusieurs bons centres, et l'Angleterre semble alors avoir le comportement adéquat quand elle récupère la balle... mais après une demi-heure, Johnson devient beaucoup moins libre de ses mouvements.
Plus le match avance, moins l'Angleterre voit la balle. Cela donne de plus en plus de liberté offensive aux latéraux italiens pour écarter le jeu et agrandir la zone active, forçant les anglais à travailler sur une plus grande partie du terrain. Les latéraux de la Squadra jouent beaucoup plus haut et ont un rôle bien plus important dans la rencontre que leurs homologues anglais qu'ils forcent à reculer, malgré le fait qu'ils n'aient pas été impliqués dans une action décisive.
Pirlo
La liberté offerte à Andrea Pirlo est un paramètre plus important. Par moment l'Angleterre réussit à s'organiser convenablement, amenant les deux attaquants en repli vers la zone centrale, restant compacte, et mettant Danny Welbeck et Wayne Rooney aux basques de Pirlo. Quand Welbeck est en position de bloquer le milieu de la Juve, il s'y prend globalement bien.
Rooney est plus laxiste, et après 30 minutes, quand la domination de Pirlo devient claire, on entend Joe Hart criant à Rooney de le suivre. C'est clairement aussi ce qu'attendait Hodgson, et on a vu pendant tout le match Rooney trottinant à contre-coeur en direction de Pirlo. C'est une réminiscence de la finale de la C1 2011, où il avait commencé au marquage de Busquets, avant d'abandonner petit à petit son milieu de terrain face au surnombre adverse.
Il est étrange de voir que l'indiscipline tactique de Rooney soit devenue un tel problème : il y a quelques années à peine on louait au contraire sa capacité à se sacrifier de bon coeur pour le bien de l'équipe. L'Angleterre aurait eu besoin de son coéquipier en club Park-Ji-Sung qui avait fait un énorme travail sur Pirlo en 2009/2010, ou d'Urby Emanuelson, auteur d'un travail comparable cette année. Laisser Pirlo libre est suicidaire, et l'Italien a réussi 30 passes de plus que n'importe quel autre joueur sur le terrain.
Et il ne s'agit pas uniquement de passes latérales (bien qu'il distribue souvent le ballon aux latéraux), plusieurs sont même les meilleures du match : il commence par chercher Antonio Cassano, qui pose des problèmes à Terry, puis il devient clair que la vitesse de Mario Balotelli est l'arme la plus utile à exploiter pour l'Italie. Une situation résume bien le schéma : Pirlo reçoit la balle dans son propre camp, remonte tranquillement 25m avant d'ouvrir par dessus la défense pour Balotelli, repris in-extremis par Terry. Toujours pas de pression sur Pirlo, et une nouvelle occasion est créée après une belle transversale pour Cassano au 2nd poteau, qui remise vers un Balotelli maladroit aux 6m.
L'Angleterre ne règlera pas le problème Pirlo directement, mais le subit un peu moins en défendant très bas. En première mi-temps la défense anglaise garde une défense étonnamment haute et a souffert sur les balles en profondeur, mais plus l'Italie a dominé la possession, plus les Anglais ont hésité à quitter les abords de leur propre surface de réparation.
Cela a pour effet de réduire l'espace dans le dos des défenseurs, le seul grand geste créatif de Pirlo pendant la prolongation est une nouvelle passe en profondeur pour Balotelli, rapidement après une perte de balle de Rooney alors que l'Angleterre se trouvait en position offensive. Mais ce type de situation est alors très rare et l'Italie aurait exploité toute tentative d'offensive anglaise. L'Angleterre défend assez bien collectivement dans la dernière heure de jeu, les courtes distances entre les joueurs permettant de bloquer les attaques adverses.
Peu de changements
Les bancs jouent un rôle mineur. Prandelli fait entrer Alessandro Diamanti pour Cassano, Antonio Nocerino pour De Rossi, et Christian Maggio à la place d'Abate. Les trois apportent de la fraicheur mais ne modifient pas le cours du jeu.
Le double changement de Hodgson est un peu plus stratégique, même sans modifier l'organisation de l'équipe. Theo Walcott apporte en théorie un danger supplémentaire en contre, mais ne sera jamais servi correctement, avec notamment plusieurs ouvertures trop longues de Parker en sa direction. Andy Carroll remplace Welbeck pour apporter dans le jeu aérien : cela aide à soulager le reste de l'équipe, mais le soutien est trop lointain pour que cela créé du danger.
Carroll et Walcott sont des entrées logiques, mais le choix des sortants est discutable : Milner avait le mérite de travailler défensivement, et Wellbeck faisait un meilleur match que Rooney et aurait fait plus d'efforts pour gêner Pirlo si on lui avait demandé de jouer en soutien de Carroll, comme face à la Suède (pour un résultat offensif mitigé, il faut l'avouer).
Jordan Henderson remplace Scott Parker pour donner un second souffle au milieu. Cela se comprend : Parker est épuisé, et Gerrard souffre de crampes et reste très bas, et Henderson est plutôt bon dans ce rôle de supplément d'énergie.
Mais l'Italie reste la meilleure équipe sur la grande majorité des 120 minutes, et c'est justice que le moment le plus excitant de la victoire aux tirs-aux-buts soit encore venu de Pirlo.
Conclusion
Le losange transalpin a contrôlé le match, et Pirlo en a été la star : dictant le tempo et créant les occasions. L'incapacité anglaise à le juguler est catastrophique, et il faudra se questionner sur le rôle défensif de Rooney. L'Italie a aussi concentré les Anglais dans l'axe avant d'attaquer avec les latéraux, et aurait dû remporter ce match pendant le temps réglementaire
A ce moment de la compétition, on attend cependant toujours que la squadra produise une performance totalement convaincante : malgré la domination nette dans le jeu cette fois, la finition a été mauvaise. L'équipe n'a pour l'instant marqué qu'un seul but dans le jeu, et n'a battu que l'Irlande, qui était déjà éliminée. Le jeu de possession est excellent et Pirlo est un des meilleurs joueurs de la compétition, mais il faut encore se montrer impitoyable dans la zone décisive.
L'Angleterre était simplement trop limitée pour aller plus loin, et bien que l'on puisse se poser des questions sur les décisions de Hodgson sur ce match (le cas Pirlo, les remplacements), son approche globale de la compétition semblait bonne. Quand on récupère si peu de temps avant le début du tournoi une équipe qui n'est pas particulièrement douée techniquement par rapport aux autres engagées, il est logique de tabler sur une bonne organisation. La performance défensive n'a pas toujours été impressionnante, mais l'Angleterre n'a pas perdu de match. Avec un peu plus d'exploits de Rooney ou de Young, elle aurait pu aller plus haut que prévu, bien que la non-efficacité des offensifs créateurs est forcément liée à un ensemble collectif solide et défensif. On n'a jamais vu un plan clair pour gérer les transitions, c'est même évident sur ce match où les milieux d'ailes se faisaient attirer vers l'axe et n'étaient pas en position de lancer des attaques en cas de récupération du ballon
Pour Hodgson, le vrai test commence maintenant. Un style aussi réactif est entièrement acceptable sur un projet à court terme, mais l'Angleterre doit faire en sorte de jouer un football plus proactif et plus adaptable si elle veut être un vrai prétendant aux victoires finales, et non un outsider solide priant pour que la chance lui sourie.